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Extrait de la Conférence tenue par l’Auteur au XXXVIII Congrès National de la Société Italienne de Psychothérapie Médicale qui s’est tenu à Brindisi les 3, 4 et 5 Juin 2005

Pour comprendre le rôle pathogène des fantasmes infantiles il est nécessaire de se reporter à la théorie de l’oubli proposée par Freud, théorie que nous pouvons, utilisant une terminologie moderne, définir cybernétique.  J’ai exprimé une telle thèse sous une forme définitive dans mon travail « Trauma, mémoire et structure cybernétique de l’esprit », document auquel je renvois le lecteur.  Ici, je voudrais seulement rappeler, que Freud avait observé des liens étroits entre l’actuel symptomatique et le passé oublié et qu’il avait cherché une explication du phénomène à travers cette théorie de la non-traduction des codes.
Le procédé, par contre se complique par la suite du fait que l’être humain, dès le moment où il est capable de fantasmer il n’a pas encore affiné un mécanisme efficace afin de faire la discrimination entre ce qu’il produit subjectivement et ce qu’il perçoit du monde extérieur : c’est l’époque de l’omnipotence de la pensée.  Au moment où un Moi doté de l’omnipotence narcissique, donc encore fondu avec le « ça » créé ses fantasmes, ces derniers deviennent partie de l’histoire vécue par le sujet, avec la même intensité et concrétion que les événements réels.
Ce  n’est pas tout.  Il faut considérer et méditer sur cette très belle phrase d’Otto Fenichel écrite en guise de note dans son splendide « Traité de Psychoanalyse » (The psychoanalytic theory of neurosis, W. W. Norton & C°, New York) : « La séparation du Moi du monde extérieur n’est pas une surprise, mais elle est un processus graduel.  C’est naturellement aussi  un processus hétérogène parce qu’adviennent des rencontres avec la réalité et avec le propre corps, actions destinées à former le Moi, et en rapport avec de multiples nécessités.  Le Moi ultérieur, pour cette raison a plusieurs noyaux et à certains stades de régression du Moi on peut observer comment il se clive dans ses noyaux d’origine ». 
 
Nous pouvons en fait bien voir le rôle pathogène impétueux des fantasmes infantiles, dans le cadre de personnalités multiples, caractéristique du syndrome dissociatif.  Mon opinion est que ces formes sont des résidus de l’activité fantasque normale de l’enfant (qui incessamment créée ses nouvelles identités) dans lesquelles se greffent des sujets dotés d’un Moi non suffisamment structuré, où prédominent de gros phénomènes de déni et de scission.
Les personnages fantasmatiques qui peuplent les jeux des enfants et qui chez les sujets normaux, dotés d’un efficace examen de la réalité se limitent à peupler le jeu et le rêve, chez les sujets border line ou psychotiques,  débordent dans la vie réelle et se matérialisent.
Ecoutons le récit d’une jeune femme porteuse d’un syndrome psychotique avec d’imposants phénomènes de scission et de personnalités multiples.

« Il y a des moments où j’ai la sensation d’avoir en moi une autre personne qui m’incite à faire des choses, qui me suggère des paroles.  J’entends une voix qui arrive jusqu’à moi – (côté gauche de mon corps, comme s’il y avait une autre personne me parlant dans le creux de l’oreille).  Cette voix, qu’est ce que c’est ?  Dois-je l’écouter ?  En moi  il y a une autre personne.  Et je ne sais pas comment me comporter.  Est-il normal que j’entende cette voix ?  Cela me fait dire que ce n’est rien d’autre que ma voix, c’est un peu comme si j’avais quelqu’un qui me suggère votre façon de penser.  Lorsque j’étais une petite fille je faisais semblant d’être « plusieurs moi-mêmes », puis celle qui était belle est devenue grande, elle s’et mariée et a eu une petite fille qui ressemblait à une étoile.  J’ai une fille dans ma tête.  « Papa, j’ai eu une fille qui s’appelle comme moi et elle me dit de te dire les choses ».  Je ne me sens pas bien, j’ai mal à la tête, j’ai en moi un autre moi-même, j’ai dû le manger ! »  Et lorsque ma vraie fille est née, j’ai cru inconsciemment qu’elle était la fille de mon fantasme : j’avais mis au monde un fantasme !  Moi, ces personnages que j’ai créés, sont toujours derrière moi !  Ce fantasme a grandi, et je l’ai toujours eu en moi.  Lorsque j’étais enfant j’avais un besoin constant de compagnie et je parlais continuellement avec mon fantasme.  Puis l’autre moi-même est mort et j’ai souffert énormément.  J’avais dit à Papa que j’étais morte mais que j’avais une fille que je devais garder avec moi !  Puis ils disent que tu as des hallucinations ! Seulement au moment où l’on se souvient d’eux on peut les reconnaître comme tels. 
Puis, j’ai désiré leur mort, je les voulais tous morts, ce désir me venait parce que personne ne me croyait lorsque je le racontais.   A la fin, je feignais d’être morte et je disais à ma mère : « Avec les morts on ne parle pas ! ».  En réalité c’était là mon désir : mourir parce que personne ne me croyait.  Fantasmes après fantasmes que j’ai tués par la suite. « Tu es morte, je vais tirer sur toi, je te donnerai le comprimé empoisonné ! »
Tous me laissaient seule parce que ce jeu ne plaisait à personne.
A présent cette voix me gêne et m’énerve.  Parce que peut être j’ignore si je dois y mettre un frein.  Ce n’est pas que j’ai cru être » fêlée » à cause de cette voix?  Maintenant j’ai peur de ma maladie. »

Les fantasmes de désir réaliseront de façon omnipotente les désirs incompatibles ou combleront les frustrations réellement intolérables.
Une petite fille avec une énorme solitude interne, accentuée par un isolement à l’intérieur de l’ambiance familiale peut peupler sa vie, se clonant …  Il est normal qu’il y ait également en jeu l’attachement au Moi idéal et par voie de conséquence à la protection du propre narcissisme.

On peut également évincer la puissance des fantasmes infantiles de résidus probables d’activités fantastiques datant de l’enfance ou de l’adolescence chez des sujets absolument normaux ; un professionnel confirmé, fit un long et minutieux travail d’expérimentation sur son matériel vital pour pouvoir finalement se rendre compte que la conviction d’être propriétaire d’une splendide moto qu’il avait dans un garage, duquel il avait – selon ses dires – perdu l’adresse, correspondait à un puissant fantasme de désir.  La chose pourrait sembler invraisemblable mais l’on comprendra mieux si l’on considère que le désir conscient de l’adolescent de posséder une moto comme ses collègues, en réalité servait de couverture à un désir beaucoup plus ancien d’enfourcher la moto du vieux grand-père maternel – comme le faisait son frère aîné.  Tel rêve était une représentation privilégiée du désir de faire partie intégrante de la branche familiale maternelle – d’où le sujet s’était toujours senti exclu.

Se référant aux études de Freud et des auteurs classiques sur les perversions nous pouvons extrapoler des définitions très efficaces qui ont encore une haute valeur opérationnelle.

1.   Dans les perversions, la sexualité est remplacée par un composant  de la sexualité infantile.

2.   Les pervers ont subi un échec du développement psychoaffectif normal.  Le fait que les perversions se développent souvent suite à des désillusions sexuelles, confirme le rôle de la régression.  Dans ses « Leçons Introductives », Freud appliquait une simple formule : les personnes qui réagissent aux désillusions sexuelles avec une régression vers la sexualité infantile sont perverses, au contraire les personnes qui utilisent d’autres défenses sont névrotiques.

Ainsi que le rappelle Daniela Marenco dans son récit « Sessualità ed agito sessuale » publié sur cette Revue, « P. Blos, dans un article de 1957, parlant de ‘délinquance féminine’ introduit le terme  ‘acting out sexuel indiquant une sexualité comportant des partenaires différents sans connotation à caractère affectif.   Dans un autre article elle définit l’acting-out comme un régulateur de la tension, ce mécanisme protège l’organisme de l’angoisse intrapsychique, déplaçant le conflit entre le Moi et le monde extérieur.  La tension conflictuelle n’est pas élaborée psychiquement ni traduite en termes symboliques mais déchargée obligatoirement avec l’action.  Dans ce sens, l’acting-out est une forme de négation à travers l’action » 1 .

Nous pouvons dire que le « pervers » grave est en fait un sujet border-line avec des traits narcissiques de personnalité, arrêté à un monde d’objets partiels et avec extra-flexion du propre Moi mégalomanique.
Chez le pervers, manque substantiellement le rapport objectal,  la perception de l’autre comme personne.
L’acting-out pervers au fond, réalise une utilisation autoérotique du monde extérieur qui est toujours disponible pour des gratifications momentanées et immédiates.
Le pervers s’intéresse au monde extérieur seulement en tant qu’objet partiel pour soulager la tension : le partenaire perd toute individualité et doit être possédé afin de maintenir l’illusion de l’omnipotence narcissique.

Nous retrouvons souvent dans l’histoire infantile des situations perverses d’absolu isolement affectif et il n’est pas rare de voir que le même entourage familial est constitué d’adultes pervers qui, avec des justifications sociales diverses, maintiennent avec l’enfant des contacts intimes qui s’ils ne parviennent pas à l’exercice reconnu de la sexualité, produisent un état continuel de frustrante excitation demeuré sans suite.  Le surplus tensionnel alimente la production de fantasmes toujours plus complexes qui souvent sont à la base d’explosions de délires érotomaniaques à l’âge adulte.  On recommandera toujours une prudente patience dans l’écoute des détails lors du récit de viols d’enfants ou d’actes graves de séduction ; si une base réelle, surtout au niveau du désir inconscient mobilisé est toujours reconnaissable, il n’est pas rare d’assister, après un nombre suffisant de séances, à un redimensionnement substantiel de tels « souvenirs ».

Toujours D. Marenco rappelle, que lorsque Freud parle d’adolescence comme période de retour du refoulement et de la récapitulation de l’Œdipe, définit le devoir du difficile travail relatif à l’adolescence, le renoncement définitif à la sexualité infantile avec la soumission des pulsions libidinales partielles à la suprématie de la zone génitale, il entend également la construction et la stabilisation d’une  manière différente de se rapporter non seulement à l’objet libidinal et au propre corps, mais aussi à la réalité extérieure 2 .
Le renoncement au polymorphisme sexuel infantile et aux fantasmes inconscients connexes, comporte une reconnaissance du propre corps et de ses confins ainsi que la reconnaissance de la complémentarité des sexes, donc un redimensionnement des vécus d’omnipotence ; pour ne pas mourir nous avons besoin d’un objet qui nous permette de nous éterniser.
Les profondes modifications qui adviennent dans l’adolescence devraient conduire dans un premier temps à une modification des processus de perception et de recherche de l’objet ; d’un objet choisi sur la base de gratifications narcissiques nous passons à la perception d’un objet divers de soi que nous reconnaissions non contrôlable de manière omnipotente.
Seul un affinement de l’examen de réalité et de la possibilité de discriminer le réel du fantasme et des désirs, dont il faut absolument tenir compte pour la perception d’un objet divers de soi que l’on reconnaît non contrôlable d’une façon omnipotente peut permettre une telle maturation.

Ecoutons pour terminer, le récit d’une jeune femme porteuse d’une structure narcissique semi-autistique qui après un long travail micropsychanalytique réussit à sortir de son  enveloppe et à percevoir la matérialité des objets :

Tout à coup j’ai compris quelque chose ; que les autres sont différents de moi, ils ne peuvent être comme moi [elle pleure, choquée] Voilà pourquoi je n’acceptais rien, c’était impossible de vivre rien n’est pareil à toi, tout est différent :  Je hais cette omnipotence !  En un instant j’ai pensé que tout ce qui se trouvait autour avait été créé par moi !  Vraiment je me sentais comme un Dieu ! Par ma faute,  je me sens engagée dans un parcours qui sera mon parcours, et il s’agit d’une petite chose, si limitée !  Je sens comme si j’avais finalement pris ma place.  J’ai envie de rire parce que finalement je commencerai à faire des choses terrestres.  Je sens que je suis descendue sur cette planète.  C’est très beau !  C’est très beau ! [elle pleure et elle rit].  Je reste finalement là !  Je me suis sentie comme matérialisée tout à coup, je suis redescendue sur la terre ! »

La psychanalyse fait tomber les anges et consent à des structures désincarnées d’occuper la place dans le monde que le destin leur a assignée.

Ecrit par: Quirino Zangrilli © Copyright

Traduction de Liliane Salvadori

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Notes:

1  Daniela Marenco, Sessualità ed agito sessuale, Scienza e Psicoanalisi, 2005. Back!
2  Daniela Marenco, Sessualità ed agito sessuale, Scienza e Psicoanalisi, 2005.Back!